« J’ai entendu, j’ai écouté, et je vous ai compris. » Ces mots, Brice Oligui Nguema les a prononcés avec gravité, devant une assemblée de militaires attentifs. Il avait laissé planer le doute, cultivé le suspense, et puis enfin, il s’est lancé : il sera candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2025.

Ainsi donc, celui qui était censé être le garant d’une transition neutre et apaisée a fini par être séduit par le goût du pouvoir. L’histoire, vieille comme le monde, nous enseigne qu’un chef de transition a souvent du mal à redevenir un simple citoyen. Oligui Nguema ne fait pas exception à la règle.

De sauveur à prétendant : le pouvoir, une drogue dure

Lorsqu’il a renversé Ali Bongo en août 2023, Brice Oligui Nguema s’était présenté comme un redresseur de torts, un homme providentiel venu réparer les dégâts d’une dynastie vieillissante. Le coup d’État, largement salué par la population, devait marquer la fin d’un régime familial et ouvrir la voie à une véritable refondation démocratique.

Mais entre les discours et les actes, il y a un monde. Lentement, méthodiquement, Oligui a tissé sa toile :

Écarter les barons du régime Bongo pour placer ses hommes aux postes stratégiques.
Renforcer son image de leader indispensable, multipliant les apparitions publiques et les déclarations aux accents messianiques.
Préparer l’opinion à une éventuelle candidature, d’abord en niant ses ambitions, puis en laissant entendre que « le peuple réclame » sa présence.
Quitter l’armée en grande pompe pour mieux prétendre à une légitimité civile.
Il fallait s’y attendre : une fois goûté, le pouvoir devient une addiction difficile à combattre.

Une transition cousue sur mesure?

Si Oligui voulait vraiment une transition démocratique, il aurait pu organiser une élection libre et se retirer dans l’ombre. Mais son parcours récent montre qu’il a préféré façonner une transition à son avantage, bien plus qu’au service du peuple.

En appelant les militaires – qui représentent 11 % de l’électorat – à voter massivement, il envoie un signal clair : le maintien du pouvoir reste une affaire de caserne. Comme Ali Bongo avant lui, il comprend que le contrôle des forces armées est une carte maîtresse.

La création d’une 5e République apparaît alors comme une opportunité en or pour rebattre les cartes et s’assurer une place de choix dans le nouvel ordre politique. Car derrière les grandes déclarations sur une réforme institutionnelle, la réalité est souvent plus pragmatique : qui rédige la Constitution, contrôle le jeu.

Oligui, nouveau Bongo ?

L’ironie du sort, c’est que Brice Oligui Nguema est en train d’adopter les mêmes mécanismes que ceux qu’il dénonçait chez Ali Bongo.

Un pouvoir personnalisé ? Il se pose en homme providentiel, seul capable de guider le pays.

Un appareil d’État remodelé ? Il a placé ses hommes à tous les niveaux stratégiques.

Une réforme institutionnelle sur mesure ? La 5e République pourrait bien être un outil pour asseoir son pouvoir durablement.

Autrement dit, ce qui devait être une rupture avec le passé s’apparente de plus en plus à un recyclage du pouvoir.

Le Gabon tourne-t-il vraiment la page ?

Le putsch du 30 août 2023 avait soulevé un immense espoir : celui de voir le Gabon sortir d’un cycle de gestion patrimoniale du pouvoir. Mais cette promesse s’éloigne peu à peu. La transition s’est muée en tremplin politique, et Oligui, loin de passer la main, s’installe.

Alors, faut-il s’attendre à un règne aussi long que ceux des Bongo ? Oligui Nguema suit-il, malgré lui ou avec un cynisme assumé, la trajectoire de ceux qu’il a renversés ?

L’élection du 12 avril 2025 nous apportera peut-être une réponse. Mais l’histoire politique africaine nous a appris une chose : une fois installé, un chef de transition devient rarement un simple spectateur.

 

Laguinee.info