Maître Kaïssa Camara, Notaire de profession, est la Secrétaire Générale de la Chambre nationale des notaires de Guinée. Dans cet entretien qu’elle a accordé ce jeudi 06 février 2025, à notre rédaction, la juriste explique ce qu’il faut comprendre par le métier de notaire. Elle révèle également ses ambitions pour la promotion de ce métier méconnu du grand public en Guinée. Sans oublier son côté humanitaire.

Leperroquetguinee: Vous êtes notaire, dites nous, c’est qui le notaire ?

Me Kaïssa Camara: le notaire c’est l’officier public qui est établi pour recevoir tous les actes ou contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire relire le caractère authentique, en assurer la date, en conserver les dépôts et en délivrer les grosses d’expédition.

Le perroquetguinee: Au delà de cet aspect, il y a-t-il d’autres rôles que le notaire joue dans le milieu judiciaire ? 

Me Kaïssa Camara: Bien sûr. Le notaire est d’abord un conciliateur, un médiateur, un conseiller juridique par excellence. Et ce côté humanitaire est une valeur rajoutée à l’authenticité que nous donnons aux actes.

Leperroquetguinée: Au delà, dites nous aussi si les notaires sont des auxiliaires de justice comme, l’ordre des avocats, les huissiers de justice?

Me Kaïssa Camara: Les notaires ne sont pas des auxiliaires de justice parce que nous avons un rôle plutôt préventif. Nous avons un rôle administratif. Nous ne partons pas aux procès. Nous avons un mission investie de l’autorité de l’État. Donc ça fait que nous ne sommes pas plutôt des auxiliaires de justice mais des officiers publics.

Leperroquetguinée: Des officiers publics, vous insistez la dessus. De qui tenez-nous votre pouvoir?

Me Kaïssa Camara: Du Garde des Sceaux.

Leperroquetguinée: Quelles sont les dispositions légales qui consacrent le métier de notaire en Guinée ?

Me Kaïssa Camara: C’est prévu par la loi L003/93/CTRN du 18 février 1993

Leperroquetguinée: Vous pratiquez ce métier depuis plusieurs années, vous avez gravi des échelons. Ce qui vous a permis d’être élue Secrétaire Générale de la chambre nationale des notaires de Guinée. Parlez nous un peu de vous.

Me Kaïssa Camara: Je suis Secrétaire Générale de la chambre des notaires, il y a de cela cinq ans si je ne me trompe pas. Je suis notaire. Au delà de mon rôle de conseiller juridique par excellence, de notaire et de Secrétaire Générale de la chambre, je suis un peu dans l’humanitaire. J’ai une fondation. J’ai un côté très humaniste. Je crois que ça, je l’ai tenu de mon rôle actuel de conseiller.

Leperroquetguinée: Il y a des années que vous êtes dans le métier de notaire, je reviens encore la dessus. Revenez un peu sur votre parcours.

Me Kaïssa Camara: Là je vais commencer par le parcours universitaire. J’ai fait mon université exclusivement à l’université Koffi Annan de Guinée. De là-bas jusqu’à nos jours je ne cesse quand même de suivre des formations organisées à l’international. La dernière en date, c’était à Marrakech. Donc on a suivi des formations que ce soit sur le droit successorale, sur le droit des entreprises en difficulté, sur le droit commun, sur le droit de gestion des patrimoines à Bordeaux, au Cameroun, au Congo, en Côte d’Ivoire. Je ne cesse pas de me former, je ne cesse pas de suivre des formations.

Leperroquetguinée: Aujourd’hui vous êtes chef d’un cabinet de notaire. Vous êtes passé par quoi pour arriver à ce niveau ?

Me Kaïssa Camara: Pour être chef d’un cabinet, il y a toute une procédure. C’est-à-dire après l’université, il faut observer un temps de stage auprès d’un cabinet. Il faut avoir été accepté par un cabinet. La durée du stage est de quatre à cinq ans. Après ce stage, il y a un concours qui est organisé. C’est au delà de ce concours, si tu l’obtiens que tu prêtes serment. C’est à compter de cette prestation de serment que tu peux t’installer et former à ce moment là un cabinet.

Leperroquetguinée: Aujourd’hui nous voyons en Guinée, beaucoup plus de cabinet de notaire à Conakry qu’à l’intérieur du pays. On compte cinq à six notaires seulement installés à l’intérieur du pays. Quelle est l’ambition de la chambre par rapport à toutes ces questions ?

Me Kaïcha Camara: Nous sommes entrain de nous déployer vers l’intérieur du pays parce que le souci de la chambre c’est de servir, d’être plus proche de la population. Dans ce sens nous sommes entrain de faire pas mal d’effort. Les prochains mois, il y a des notaires qui souhaitent s’installer à l’intérieur du pays. Il y aura des notaires à Mamou. Même sur l’île de Kassa, il y aura un notaire qui sera installé là-bas. Déjà il y a un notaire à N’zérékoré. Il y en aura à Siguiri, à Kankan. A Boffa, il y en a déjà, à Boké, à Kindia. Nous sommes vraiment entrain de nous battre pour ça.

Leperroquetguinee: Avant, les pratiquants du métier était les personnes du troisième âge. Aujourd’hui, la corporation se rajeunit. Il y a qu’il y a des conseils que vous prodiguez à la nouvelle génération par rapport à ce métier?

Me Kaïssa Camara: C’est vrai qu’avant le métier était peu connu du Guinéen. Même maintenant, le métier n’est pas connu de tous. Mais nous nous efforçons à faire plus de communication, à digitaliser les choses afin que les gens soient informés. Moi personnellement étant un cabinet prête à recevoir les sortants de l’université, pour la plupart des cas, c’est le temps de stage qui décourage les sortants. Nous nous supposons que ce temps de stage est normal pour la compréhension de ce métier qui est très complexe. Parce que nous avons un rôle très diversifié. Que ce soit dans le secteur social, économique, même juridique. Je pense qu’il est très important d’avoir une vocation, un objectif de se le fixer afin de pouvoir atteindre ces objectifs. Les jeunes sortants qui aspirent vraiment être notaire, quatre ça va très vite. Le temps de stage ça va très vite. Or tu as toute l’éternité devant toi pour exercer la profession.

Leperroquetguinée : Quatre ans, ça va très vite, c’est vrai. Votre ambition pour l’avenir…

Me Kaïcha Camara: Je souhaite m’impliquer fortement avec l’État pour intégrer les formalités liées à l’obtention des titres fonciers, la sécurisation foncière, la digitalisation des actes pour faciliter l’investissement aux entrepreneurs. Par rapport aux régimes matrimoniaux aussi, il est important de procéder à des communications pour que les gens puissent dresser le canevas afin qu’il ait moins de conflit après leur décès.

Donc j’ai aussi l’ambition de procéder à suffisamment de sensibilisation pour sécuriser les commerçants, sécuriser les entrepreneurs, les familles et autres. Les gens méconnaissent le métier de notaire. C’est pour cela il faut suffisamment de communications.

Il y a suffisamment de difficultés dans ces différents domaines là, surtout en ce qui concerne la sécurisation des terres. La Guinée est comme si on venait de se réveiller et que les gens sont entrain de se rendre compte de ce qu’il faut pour sécuriser leur terrain. Il y a assez de conflits. Les 75 pour cent des conflits dans les cours et tribunaux c’est autour des domaines. Donc il est très très important de passer par le notaire pour avoir les informations nécessaires qu’il faut pour sécuriser. Que ce soit les coutumiers ou ce qui viennent d’acquérir ou qui sont entrain de le faire de ne pas se limiter au quartier. Surtout en matière d’héritage. A chaque fois que l’on le fait à l’interne là-bas sans l’intervention du notaire ça se termine toujours par un conflit parce qu’il y a toujours des rebondissements de part et d’autre.

Par rapport au mariage, j’ai parlé tantôt de conciliation. Mais après le mariage, avant même le mariage, il est très important de venir chez le notaire pour définir le régime du mariage. Ça pourait beaucoup aider à la longue. Mais les parties n’étant pas informées, quand ils vont au mariage, ils signent la communauté de biens , ça les rattrape. Parce que l’un peut être entrepreneur ou pas. Lorsqu’un couple se marie sans pour autant définir les choses ou même chercher à savoir le régime et que l’un d’entre eux à une entreprise individuelle. Parce que l’entreprise individuelle son patrimoine s’étant aux biens communs de la personne propriétaire de cette entreprise.

Quand c’est comme ça, pour éviter que les mauvaises surprises n’arrivent, il faut se référer à un notaire pour qu’il vous conseille.

Leperroquetguinée: Vous avez parlé à un moment de votre fondation. Est-ce qu’on peut en savoir davantage?

C’est une fondation humanitaire. Je consacre 10 pour cent du revenu du cabinet à cette fondation. C’est une manière pour moi d’aider les démunis, la sensibilisation dans le cadre de la migration clandestine et aussi le soutien aux femmes victimes de violences ou qui sont dans les prisons. Je le fais avec d’autres ONG qui ont aussi la même vocation. J’essaie juste de suivre pour que ça atteint les objectifs visés. Le nom de la fondation c’est la Fondation Humanitaire Panafricaine.

Le cabinet c’est l’Office Maître Kaïssa Camara.

La rédaction.