Les relations inamicales, voire exécrables, entre le Premier Ministre Dr Bernard Goumou et le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, étaient déjà connues depuis un incident antérieur. Cependant, la récente sortie du chef du gouvernement contre le ministre d’État, à travers une lettre largement médiatisée le mardi 13 février, a étonné et intrigué de nombreux observateurs. La tonalité acerbe et narquoise de la lettre, ainsi que les questions qu’elle soulève quant aux véritables motivations de son auteur, ont suscité des interrogations. De plus, la publicité qui en a été faite semble indiquer un règlement de compte public contre le ministre, teinté d’une rancune tenace.
Bernard Goumou a notamment reproché à Charles Alphonse Wright ses récentes injonctions au parquet visant divers responsables (chefs de division administrative et financière, directeurs d’EPA et autres maires de commune), en insistant sur le fait que Wright aurait dû discuter de ces démarches lors d’un conseil interministériel. Il a ensuite exigé la suspension des procédures engagées contre les personnes concernées. En réponse, le ministre de la Justice et des Droits de l’homme, dans un style courtois mais ferme, a défendu sa démarche en citant des textes de loi pertinents, regrettant toutefois que le Premier Ministre n’ait pas cherché à aborder le sujet en personne avec lui avant de rédiger sa lettre vitriolée.
Au-delà de cette joute verbale, le Premier ministre a lancé un signal négatif en remettant en question la capacité de la justice guinéenne à traiter efficacement les affaires de corruption et de détournement de fonds publics. En effet, Bernard Goumou doute que l’on dispose des ressources humaines et financières nécessaires pour mener une procédure de cette envergure. Il estime d’ailleurs que l’appareil judiciaire a déjà du mal à traiter les anciens dossiers et souligne les nombreuses injonctions du ministre qui, selon lui, seraient restées sans suite. Il semble oublier que le temps de la justice n’est pas toujours celui des politiques ou des médias.
Le moins que l’on puisse dire, à une époque où le doute commence à s’installer au sein de l’opinion quant à l’efficacité de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières), cet aveu public d’impuissance et toute manœuvre susceptible de discréditer les efforts du ministre de la Justice et des institutions visant à lutter contre le vol des deniers publics, risquent de compromettre l’action d’assainissement de la gestion publique, qui est un pilier de la refondation entreprise par le CNRD. Cela pourrait décevoir les citoyens qui ont accueilli avec enthousiasme l’arrivée au pouvoir du général Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021, en espérant que son engagement à faire de la Justice notre boussole ne restera pas vain.
Camara