Scène de justice populaire à Kipé. Dans la nuit du jeudi à vendredi, plusieurs femmes exerçant la prostitution autour de l’école française ont été violemment agressées par des jeunes du quartier. Ces derniers, excédés par ce qu’ils qualifient de « déchéance morale » et de « complicité criminelle », ont décidé de passer à l’action. Pour eux, ces femmes ne représentent en rien les valeurs féminines de respect, d’intégrité et de dignité.
Le point de tension : la présence de plus en plus visible de prostituées aux alentours de cet établissement scolaire, fréquenté par des enfants de diplomates, de cadres et de familles expatriées. Mais derrière cette simple activité de rue, les jeunes accusent un réseau plus dangereux. Selon leurs dires, certaines de ces femmes seraient en lien avec des bandits armés. « Elles repèrent les clients, les accompagnent jusqu’à des zones sombres, puis leurs complices arrivent pour braquer sous la menace d’armes », dénonce un jeune du quartier.
Ces dernières semaines, plusieurs cas de braquages, souvent violents, ont été signalés dans les environs, avec le même mode opératoire. Les jeunes de Kipé disent avoir alerté, sans suite, les autorités compétentes. « On n’a vu ni police, ni gendarmerie. Alors on a pris nos responsabilités », clame un autre.
Résultat : une descente violente sur les femmes suspectées. Certaines ont été rouées de coups, d’autres chassées sans ménagement, sous les cris de colère d’un groupe bien décidé à « redonner au quartier son honneur ».
Mais cette réaction soulève des inquiétudes. Si la frustration face à l’insécurité est compréhensible, les méthodes employées posent un sérieux problème. Car frapper, humilier, chasser sans preuves formelles revient à instaurer la loi de la rue. Un climat dangereux dans une capitale déjà fragilisée par la montée de l’insécurité nocturne.
Pour l’instant, aucune réaction officielle n’a été enregistrée. Ni la mairie, ni la police n’ont commenté cette expulsion violente ni annoncé de mesures concrètes face aux accusations de complicité entre certaines prostituées et des groupes criminels.
Ce coup de force des jeunes de Kipé met en lumière l’impasse sécuritaire et morale dans laquelle s’enfoncent certains quartiers de Conakry. Entre perte de repères, criminalité déguisée et absence de l’État, c’est tout un tissu social qui vacille.