À Sanoyah, la colère gronde parmi les agents du Recensement Administratif à Vocation d’État Civil (RAVEC). Recrutés pour mener à bien cette mission d’envergure, ils accusent les responsables du projet de ne pas les avoir payés, tandis que d’autres collègues auraient reçu leurs salaires sans explication claire. Plus grave encore, ils dénoncent un système de corruption où des noms fictifs seraient ajoutés aux listes de bénéficiaires pour détourner des fonds publics.
Face à ces accusations, les autorités locales se veulent rassurantes, mais les travailleurs ne décolèrent pas. Ils réclament non seulement leur argent, mais aussi une refonte du système de gestion des paiements afin de garantir plus de transparence.
Un travail accompli, un salaire qui se fait attendre
« Nous avons travaillé tout le mois, mais à ce jour, nous n’avons pas vu le moindre franc », déclare un agent sous couvert d’anonymat. Cette frustration est d’autant plus grande qu’au sein même des effectifs, certains auraient perçu leur salaire.
L’inégalité dans le versement des rémunérations nourrit l’incompréhension et la colère des concernés. « Pourquoi certains sont-ils payés et d’autres non ? Sur quels critères ? », s’interrogent-ils.
Loin d’être un incident isolé, ce problème s’inscrit dans une situation plus large où les retards de paiement et les écarts entre les sommes promises et les sommes perçues deviennent monnaie courante. En témoigne l’épisode du mois précédent : les agents devaient toucher trois millions de francs guinéens, mais n’ont reçu qu’un million.
« Où sont passés les deux millions manquants ? » Cette question reste sans réponse, et pour beaucoup, elle illustre parfaitement l’opacité qui entoure la gestion financière du projet RAVEC à Sanoyah.
Détournements et favoritisme : une corruption bien rodée ?
Mais le plus scandaleux, selon les agents, c’est la manière dont les fonds seraient distribués. Plusieurs dénoncent des pratiques de favoritisme et de détournement au sein même du processus de paiement.
« Ceux qui ne travaillent pas sont payés en premier, tandis que ceux qui sont sur le terrain doivent attendre », affirme un agent, visiblement amer.
Le système, selon eux, repose sur un mécanisme simple mais efficace : des noms fictifs seraient ajoutés aux listes des bénéficiaires, et une fois les paiements effectués, les fonds seraient redistribués en coulisses.
« Certaines personnes encaissent des montants qu’elles ne méritent pas et reversent ensuite une partie à leurs complices, en gardant le reste pour elles », accuse un autre agent. Dans certains cas, des montants de 200 000 à 500 000 francs seraient donnés à ces « bénéficiaires fantômes », tandis que le reste disparaîtrait dans des circuits opaques.
Face à ces accusations, une question se pose : comment ces pratiques peuvent-elles perdurer sans contrôle ? Qui sont les vrais responsables de ce système qui semble bien huilé ?
Les autorités locales sous pression
Interrogées sur ces allégations, les autorités locales se défendent de toute complaisance. Selon certains agents, elles seraient déjà en train de mener des vérifications afin d’identifier les failles du système.
« Nous savons qu’il y a des irrégularités, c’est pourquoi les paiements sont retardés. Nous enquêtons pour identifier les responsables », aurait confié une source proche du dossier.
Mais ces explications peinent à convaincre les agents, qui y voient une tentative de gagner du temps.
« Si vraiment une enquête est en cours, pourquoi n’avons-nous toujours pas été payés ? Si des fraudes existent, pourquoi les coupables ne sont-ils pas encore sanctionnés ? », s’indignent-ils.
Un test pour la transparence et l’intégrité des institutions
Le cas de Sanoyah illustre un problème plus large qui touche de nombreux agents recenseurs à travers le pays. Dans plusieurs localités, des retards de paiement, des écarts entre les montants promis et les montants perçus, ainsi que des accusations de corruption ont déjà été signalés.
Mais cette fois-ci, l’affaire prend une ampleur particulière, tant les témoignages des agents semblent converger vers un même constat : un système organisé où certains profitent de leur position pour détourner de l’argent public.
Les agents de RAVEC de Sanoyah ne comptent pas en rester là. Ils réclament non seulement leur dû, mais aussi des sanctions contre ceux qu’ils considèrent comme responsables de cette situation.
« L’État doit intervenir pour stopper ce système mafieux. Nous ne voulons que notre salaire, rien de plus », martèle l’un d’eux.
L’avenir dira si leur cri d’alarme sera entendu, ou si, comme tant d’autres avant eux, ils devront se résigner à voir leurs efforts engloutis dans les méandres de la corruption.