MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE PENALE DE LA COUR SUPREME, REPRESENTANT DU 1ER PRESIDENT LA DITE COUR ;

MESDAMES ET MESSIEURS LES HAUTS MAGISTRATS ;

MME YANSANE YARIE SOUMAH, ANCIENNE GARDE DES SCEAUX

MONSIEUR LE BATONNIER, MESSIEURS LES ANCIENS BATONNIERS,

MONSIEUR LE SECRETAIRE GENERAL DE LA CHANCELLERIE DE L’ORDRE DU MERITE

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES,

MONSIEUR LE PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DES GREFFIERS DE GUINEE

MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE DES HUISSIERS DE JUSTICE,

MESDAMES ET MESSIEURS LES AVOCATS

DISTINGUES INVITES,

MESDAMES ET MESSIEURS,

Permettez-moi, au nom de monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des droits de l’homme que J’ai l’honneur de représenter a la présente cérémonie, de remercier et féliciter le barreau de Guinée ainsi que le RIFAV qui a pris l’initiative de commémorer cette journée internationale.

Le métier d’Avocat existe depuis l’antiquité. Il l’était chez les Romains. Un des avocats romains les plus connu était CICERON. C’est au 6ème siècle que, pour la première fois, l’Empereur Justinien crée la corporation des Avocats.

Je souligne, en passant que le mot « Avocat », dans son sens juridique, tire son origine de vocatus ad, qui signifie « appelé pour », celui qui assiste autrui en justice, qui vient en aide, au secours.

En France, la première trace de la profession d’Avocat remonte au règne de l’empereur Charlemagne, en 802, après J. C.  Mais c’est véritablement au 13ème   siècle que naît la profession sous le règne Philippe de Valois qui créé le Tableau, appelé à l’époque matricule des Avocats, sous la forme d’une liste des individus ayant le pouvoir de défendre à la Cour.

Je voudrais faire remarquer qu’au moyen âge, les avocats étaient pour la plupart des membres du clergé, qui portaient une robe noire. D’où la tradition du port de la toge noire.

Aujourd’hui, le métier d’Avocat consiste à défendre les personnes et les entreprises engagées dans un procès. Telle est la principale mission de l’avocat. L’Avocat joue aussi un rôle de conseiller pour régler les conflits avant qu’ils ne soient portés sur la scène judiciaire.

Mesdames et Messieurs

La femme n’a pu exercer ce métier que tard dans l’histoire de l’humanité. En effet, l’histoire du métier d’Avocat révèle des logiques qui se retrouvent dans le processus de féminisation de l’ensemble des professions de l’esprit traditionnellement réservés aux hommes, surtout celles qui présentent des spécificités liées aux métiers juridiques, et en particulier à la représentation du métier d’Avocat, conçu en tant qu’office viril. 

Dans la tradition juridique d’obédience française, qui est notre héritage, la profession d’Avocat est institutionnalisée par Napoléon Bonaparte. Son accès est conditionné à l’obtention d’un diplôme de licence.

Or, à l’époque napoléonienne, dans la continuité de l’Ancien régime, l’instruction est réservée, en théorie, aux hommes. En effet, Napoléon Bonaparte reprend les formules banales, issues de la pensée grecque et romaine, selon lesquelles les femmes n’auraient pas besoin de bénéficier d’une éducation intellectuelle, à la fois parce qu’elles n’en auraient pas les capacités et parce qu’elles seraient inconsistantes et futiles, parce que les qualités que la société attend des femmes, à savoir résignation et indulgence, ne reposent pas sur leur instruction, mais sur leur dévotion.

Il faut attendre la loi du 21 décembre 1880, sous la IIIe République, pour que l’enseignement secondaire soit ouvert aux femmes. Le programme n’est pas harmonisé avec celui des hommes. Il est naturellement plus léger.

Mesdames et Messieurs

Ce n’est qu’en 1884 que Sarmiza Bilcesco, roumaine féministe de dix-sept ans, son double baccalauréat en poche : ès lettre et ès science, tente de franchir les portes de la faculté de droit de Paris et se voit bloquer l’entrée par l’huissier qui refuse de la laisser passer, parce qu’elle est une femme. Le conseil de faculté, alors appelé à statuer, tranche en la faveur de l’étudiante, malgré une forte opposition dont celle du doyen Beurdant. Sarmiza Bilcesco fit alors face à l’hostilité des professeurs de droit.

Jeanne Chauvin est la première femme à être docteur en droit en France en 1892. En 1897, elle se présente à la Cour d’appel de Paris pour prêter serment en tant qu’Avocate. Mais ce privilège lui est refusé, car à l’époque la loi n’autorise alors pas les femmes à exercer cette profession. Elle devra attendre 1890, à la suite de pressions féministes, pour que Raymond Poincaré et René Viviani fassent voter la loi autorisant les femmes à accéder au barreau avec accès à la plaidoirie. Jeanne Chauvin sera la première femme à plaider devant une juridiction. Elle y souligne la misogynie du barreau fondée sur l’adage «Robe sur robe ne vaut».

Sonia Olga BALACHOWSKY-PETIT, française par mariage, d’origine russe, qui a fait des études de droit en France et a obtenu un doctorat, prête serment le 6 décembre 1900, quelques jours avant Jeanne Chauvin qui, elle, prête serment le 19 décembre. Elle est la première femme à exercer les fonctions de magistrat.

La présence de femmes dans les amphithéâtres suscite des commentaires de la part des professeurs invitant les hommes à la courtoisie, renvoyant ainsi les femmes à un statut d’objets de désir, d’éléments potentiellement perturbateurs.

Mesdames et Messieurs

A ce stade de mon intervention, la question est : quel est le problème avec la profession d’avocat pour les femmes ?

Les représentations de l’avocature renvoient à une profession de pouvoir viril, qui évoque le combat judiciaire, la joute oratoire. L’image la plus répandue de l’avocat est celle du ‘’guerrier du droit’’. Son arme est la parole, son combat se déroule en public.

Subséquemment, l’accès des femmes au barreau signifie qu’elles pourraient envahir l’arène judiciaire, affronter un homme, voire remporter la victoire. Il s’ensuivrait la dévirilisation de la profession, et le risque pour les hommes eux-mêmes de perdre leur virilité dans un affrontement juridique avec des femmes.

La présence des femmes dans la profession d’Avocat en altèrerait le prestige et, en outre, risquerait de jeter l’opprobre non seulement sur l’avocature, mais également sur la magistrature, car « la femme » est séductrice. Les justiciables seraient amenés à penser que les magistrats n’ont rendu la décision que sous l’emprise du charme de ‘’la femme avocate’’. Sous la robe de l’Avocate se cacherait ‘’la femme séductrice’’, ‘’la femmesexuelle’’. D’ailleurs, elle porterait nécessairement mal la robe étant donné que celle-ci est virile.

En plus, la liberté de la profession d’Avocat serait incompatible avec le mariage et obligerait la femme qui l’embrasse à demeurer célibataire. Enfin, il existe un mythe, précisément une opinion largement répandue dit, je cite : «Quand on intervertit les rôles, quand la femme veut faire lhomme, elle sen acquitte aussi mal que quand lhomme veut faire la femme». Fin de citation.

En 1933, Paule Pignet devient la première femme élue bâtonnière.

 

A Toulouse, Marguerite DILHAN est la première femme à plaider en cour d’assises, en novembre 1903. Elle a convaincu le jury, en obtenant pour sa cliente une requalification en coups et blessures et une peine de dix-huit mois de prison, alors que celle-ci encourait la peine de mort.  

Mesdames et Messieurs

J’ai emprunté les éléments de ce bref rappel historique à diverses sources, pour affirmer que l’exercice par les femmes des professions juridiques a été un long parcours de plus d’un millénaire, durant lequel la féminisation n’a connu en Europe ses balbutiements qu’à la fin du 19ème siècle.

En ce 21ème siècle, ouvert à l’esprit et aux immenses et innombrables progrès des droits de l’homme, la féminisation ou la sensibilité de l’accès aux métiers virils au genre demeure une haute conquête et le chemin à parcourir reste long, escarpé et à flanc de montagne. Il faut encore et encore de la volonté, du courage, une fortune d’efforts et un engagement sans faille, pour promouvoir, accélérer et élargir la féminisation de toutes les professions. Nous devons nous y consacrer avec une constante et inflexible détermination.

L’essor prodigieux de la science et des technologies sont aujourd’hui des atouts extraordinaires à la disposition des femmes, mais l’obstacle des anciens temps est encore celui des temps modernes, à savoir le poids résiduel de la mentalité discriminatoire à l’égard de la femme.

C’est pourquoi je crois devoir rappeler l’exemple d’un certain nombre d’illustre compatriotes qui ont défriché en Guinée la voie d’accès des femmes aux professions du droit. Je leur rends un vibrant et très admiratif hommage.

La première se nomme Me Charlotte LAURENCE qui a embrassé la profession d’Avocat en 1986, à l’ouverture du barreau. Je suis d’autant admirative pour cette professionnelle, digne de tous les éloges, qu’elle luttait contre le double handicap d’être femme et de souffrir d’une mobilité réduite. Mais elle se distinguait par une rare auréole de probité et d’efficacité que réhaussait une immense culture juridique.

La deuxième, encore une brillante Avocate Me Chaloub HALIME, dont j’ai l’honneur d’être une jeune sœur appréciative.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner Mme Madeleine THEA, la. première femme juge et Mme Aïssatou BALDE dite Baldette, première femme Procureure générale près la Cour suprême. Cette liste s’allonge par les noms de Mme Paulette KOUROUMA, première femme Garde des Sceaux, Ministre de justice et Mme Yayé Ramatou DIALLO reconnue l’une des plus brillantes et incontestables juges. Aïssatou TOURE, TOUTOU, première femme à occuper les fonctions de Procureure générale près une Cour d’Appel.

Mme Yarie SOUMAH Yansane a eu le mérite d’être la présidente de la Chambre des Notaires et Ministre.

Elles ont été des exemples mémoriels éloquents et impérissables, qui doivent inspirer la jeune génération de femmes, à laquelle je formule des vœux fervents de succès.

Je rêve et souhaite voir bientôt la première bâtonnière de Guinée et le nombre d’Avocates croître et dépasser la moitié de l’effectif du tableau de l’Ordre. Vous comprenez le sens et la profondeur de mon appel à la jeunesse féminine guinéenne. Puisse-t-elle l’entendre et bien l’entendre !

Sur ces mots, je déclare ouverte la présente semaine de l’Avocate et  formule des vœux ardents d’éclatants succès à la SEMAINE DE L’AVOCATE

Je vous remercie

 

Irène Marie Hadji malis: secrétaire du ministère de la justice et droits de l’homme